jeudi 26 avril 2012

trip



Dans la série la quarantaine révolu : La cicatrice intérieure de Philippe Garrel. Sorti en 1972, le septième long-métrage du cinéaste héroïné (il ne s'en est jamais caché) est un objet difficile à cataloguer. Nourri à la tradition alchimique, envoûté par l'harmonium et les incantations amoureuses de Nico, La cicatrice intérieure donne à voir les déambulations lunaires d'une poignée de personnages dans des paysages désertiques : Garrel lui-même, la grande Nico, son fils Ari Boulogne - "Je suis le petit chevalier" - et l'incandescent Pierre Clémenti. Un cinéma à l'os, sans scénario, sans dialogues, sans éclairages, sans moyens. On se dit qu'un peu plus et le film aurait pu se faire sans caméra, sans pellicule. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'exceptionnelle maîtrise du cadre de Philippe Garrel tend à un effacement total du point de vue et du dispositif. La réalité convoquée ici est donnée à voir sans médiation et le spectateur se retrouve à déambuler au côté des personnages égarés. Le sentiment de perte - des repères géographiques, de la notion du temps, de l'être aimé, de l'objet de la quête, etc - est tel, que visionner La cicatrice intérieure peut être envisagé comme une expérience psychédélique et pour peu que les conditions soient réunies et qu'on soit prédisposé à ce type d'expérience, on aura l'occasion de rentrer dans un état de transe hypnotique. Pourquoi s'en priver ? C'est un phénomène tellement rare au cinéma.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire